La profession de foi des adolescents

Expérience 69/70 dans la paroisse du Sacré-Coeur à Mulhouse

 
 

L'Eglise en Alsace n° 4 - Avril 1971

 

L'orientation de base

Dès la première réunion de prise de contact, une feuille a été distribuée aux jeunes leur demandant par la réponse à une série de questions de noter leur façon d'envisager la « communion solennelle ». Une colonne était prévue sur la feuille pour leur permettre d'interviewer leurs parents sur les mêmes questions et de noter leurs réponses en parallèle. Les réponses furent diverses et souvent différentes selon qu'elles venaient des enfants ou des parents.

Nous avons essayé d'en dégager l'essentiel en le développant dans un article paru dans le bulletin paroissial Signes. En voici un extrait :

Montée, passage ou entrée dans l'adolescence

Si nous voulons que la « communion solennelle » ait un sens, il nous faut rejoindre à présent l'intuition de base qui semble avoir assuré la persistance de l'institution.

Le point de départ : la vie

En fait, la communion solennelle est une fête de l'adolescent reconnu par sa famille et la communauté plus large comme ayant dépassé l'âge de l'enfance. Cela se fête humainement par un repas, des cadeaux, des marques de considération et de confiance nouvelles. Plutôt que de condamner ces manifestations populaires, il nous faut retrouver leur sens humain et religieux inhérents.

Il est un fait que vers les 13-15 ans quelque chose se passe chez l'enfant qui devient un jeune. « L'adolescent commence à découvrir en lui, de manière encore confuse mais consciente, le besoin de participer à un monde plus vaste que celui qui a été le sien jusque là et d'y participer sur un mode nouveau : celui de l'initiative personnelle » (Marc Oraison). Le garçon et la fille de 14 ans ressemblent à ce voyageur débarquant dans un monde inconnu. Le monde nouveau à explorer, c'est leur propre personne qui évolue et dont ils découvrent le mystère intime en même temps que l'univers de relations entre adultes et jeunes qui les entourent. La progression de la personne se fait par la progression des relations avec d'autres. Un instrument nouveau leur est confié pour cette progression : une conscience de soi et du monde devenant de plus en plus lucide.

Mais le goût de l'exploration dans ce pays neuf s'accompagne en même temps de la peur de l'inconnu. Le jeune recherche plus de contacts et des contacts plus approfondis, mais en même temps il les redoute. Cette peur devant la difficulté à se situer de façon nouvelle devant les autres amène parfois le jeune à refuser tout contact soit par le repli sur lui-même, soit par l'opposition systématique, soit par l'évasion du rêve sous ses différentes formes.

L'Eglise au service de la vie

Les 13-15 ans sont à un âge riche et difficile. Ce n'est pas le moment de demander au jeune de s'engager.

C'est plutôt le moment de l'accueillir et de s'engager vis à vis de lui. Cet accueil se pratique d'ailleurs au même âge dans d'autres religions mêmes païennes (rites d'initiation...). Il nous faut reconnaître avec le jeune les bouleversements consécutifs à cette espèce de nouvelle naissance et l'aider à se situer face au monde nouveau qu'il découvre petit à petit.

On pourrait distinguer 4 étapes dans la vie : la naissance, l'adolescence, l'âge adulte et la mort, entrée dans la Vie éternelle. Chaque fois, on passe d'une forme de vie à une autre forme de vie. Même si l'étape qui suit est supérieure à celle qui la précède, la rupture est toujours cruelle. Pour trois de ces étapes, nous avons des sacrements qui sont autant d'aides au milieu de la crise (baptême, mariage, onction des malades...). On pensait, un moment donné, que la confirmation, sacrement de la croissance pouvait être donnée au moment de l'adolescence. Mais il semble que cette solution ne soit pas retenue, du moins pour le moment.

Nous pouvons donc signifier d'une autre façon à l'enfant que le Seigneur le reconnaît non plus comme un enfant, mais un jeune avec toutes les possibilités et difficultés nouvelles que cela comporte. C'est l'accueil, le soutien et l'engagement quotidiens de la communauté des jeunes et des adultes vis à vis des adolescents qui signifieront concrètement la présence divine. « La gloire de Dieu, c'est que l'homme vive » (St Irénée). Encore une fois le Christ, par son Église voudrait aider à vivre.

La préparation

Nous pensions qu'elle devait tenir compte de ce que le jeune vit réellement afin de soutenir son dynamisme. Elle devait lui faire découvrir l'importance des autres pour sa propre transformation. De ce fait, la préparation à la « communion solennelle » ne se situait plus dans le cadre de la catéchèse (celle-ci étant reçue au lycée), mais dans le cadre d'une aide pour vivre entièrement chaque jour de sa vie et d'une invitation à réfléchir cette vie en Église avec le regard de la foi. Cette préparation s'inscrivait donc dans le sens d'une démarche de campagne d'année en Action Catholique de l'Enfance (campagne d'année vécue par la « masse », sans atteindre le niveau de la « communauté »).

De là découlait la nécessité d'échanges en petites équipes permettant par une expression libre de renvoyer chacun à une meilleure conscience de sa propre vie et l'invitant à accueillir la vie de l'autre.

a) Carrefours

Les jeunes ont pu former des groupes de travail selon 3 pistes :

— liturgique (préparation de la messe du dimanche à partir de l'évangile confronté à leur vie),

— catéchétique (discussion de questions ou de sujets suivant leur choix),

— piste concernant la vie des jeunes 13-14 ans (réflexion à partir du quotidien de leur vie, soutenue par J 2 Jeunes ou J 2 Magazine). Il est à noter que la majorité des jeunes a choisi la 3e piste. Cela a permis d'utiliser largement les « moyens de masse » des mouvements Cœurs Vaillants - Ames Vaillantes. Ainsi, les filles se retrouvaient bien dans les questions posées à Marie-Josée. Elles ont pu aussi, par exemple, s'interroger sur la façon dont elles voyaient Mlle J 2 70 (sportive, moderne, prévoyante, artiste...) révélant ainsi leurs propres aspirations.

b) Mises en commun

Pour permettre à tous de profiter du travail de groupe, il y eut une fois sur deux des mises en commun qui permettaient au prêtre de relancer la réflexion et d'inviter à approfondir.

Voici ce que disent quelques jeunes après ce travail :

— « J'ai appris à discuter avec les autres, à les écouter. »

— « Ce que j'ai retenu, c'est qu'on ne peut pas vivre toute seule. Il faut avoir des amies pour nous aider à avoir la foi et pour que notre vie ait un sens. »

c) Temps forts

Cette préparation connut 3 temps forts, concrétisés avant Noël par une célébration pénitentielle préparée par les enfants eux-mêmes à partir de la vie découverte et avant Pâques une petite fête amicale. Le 3e temps fort fut la retraite dont nous parlons plus loin.

d) Place du prêtre

Pendant tout ce travail, il n'y eut pas d'intervention directe de jeunes ou d'adultes en dehors du prêtre. Les groupes s'organisaient entre eux, la mise en commun les obligeant à se choisir un meneur et un rapporteur. L'expression a été de ce fait facilitée. Le prêtre, témoin privilégié et révélateur de la vie des enfants, des jeunes et des adultes, ceci dans des milieux différents, nous semblait le mieux placé pour accompagner les enfants dans leur préparation. Mais sa place est limitée : il ne saurait suivre seul les enfants et son souci consiste à les faire prendre en charge très vite par des mouvements adaptés. Le soutien procuré par les mouvements d'enfants était d'ailleurs très sensible mais il aurait pu être mieux préparé par une concertation plus étroite au niveau du rapport entre prêtres et responsables.

e) Les parents

On voit que les parents ne sont pas encore directement intervenus sinon par une réflexion initiale avec l'enfant au sujet du sens de la communion solennelle. Bien sûr, nous n'oublions pas que leur influence joue quotidiennement. En janvier-février cependant, des réunions de parents furent organisées chaque fois chez l'un des parents. De ce fait, la réunion était limitée à une dizaine de participants. A chaque réunion, le prêtre fut présent ainsi qu'une « militante » ACGF du quartier. La réunion fut préparée avec le foyer recevant qui parfois invitait lui-même et, dans presque tous les cas, menait la réunion. Pour que l'expression soit plus facile, on avait respecté le milieu social dans les invitations et cela a permis effectivement aux parents d'être d'emblée plus à l'aise.

On fit d'abord une présentation réciproque.

Les premières questions des parents concernaient des détails matériels.

Celles-ci furent « liquidées » grâce à une feuille polycopiée et l'on put très vite aborder la vie des enfants telle que les parents la percevaient. Les changements de l'enfant dus à l'âge étaient bien perçus et les observations se recoupaient. Les parents partageaient les mêmes difficultés, ce qui était une libération pour beaucoup d'entre eux. Ils constataient également qu'ils connaissaient très peu la vie intime de leur enfant et que leurs camarades en savaient sans doute plus.

Dans certaines réunions, la réflexion sur la vie ainsi apportée grâce à des faits précis interpellait les parents eux-mêmes dans leur propre vie et c'était le but de la réunion. C'est là qu'intervenaient les témoignages de ceux qui étaient engagés dans le laïcat apostolique. Les parents demandèrent à s'associer à la démarche de leurs enfants par une messe célébrée au moment où ceux-ci étaient partis en retraite.

La retraite

Elle devait être le couronnement de toute la préparation. Elle eut lieu à Issenheim du dimanche soir au mercredi soir. Le but de cette retraite consistait surtout à faire découvrir la « consistance religieuse » de la vie des jeunes. Elle fut préparée par les jeunes auxquels on avait demandé par écrit ce que devait être leur retraite, mais aussi par les aînés qui allaient les accompagner et qui avaient entre 15 et 25 ans.

Par des entretiens, des réflexions en carrefour, des mises en commun, des temps de silence, des célébrations, ou voulait faire réfléchir à la place du Christ dans la vie précédemment découverte dans les carrefours de l'année. C'était une occasion de mieux découvrir la dimension « religieuse », de foi de toute cette vie dont certaines valeurs étaient déjà reconnues.

Le premier jour devait aider à voir comment le Seigneur appelait dans le passé (Bible), le présent (jeunes de 14 ans), l'avenir (projets, aspirations des jeunes).

Le 2e jour devait faire examiner les différentes réponses données quotidiennement par les hommes qui nous côtoient et par nous-mêmes.

Et le 3e jour voulait aider à se décider pour des moyens permettant de mieux se situer tous les jours face à l'appel du Christ.

Cérémonie

Cette retraite était en même temps la préparation de la cérémonie qui devait permettre aux jeunes d'exprimer leurs découvertes, de les partager avec leurs familles et de les célébrer ensemble.

Ceci fut rendu possible par le simple développement de certaines parties de la messe sans qu'on ait besoin d'y ajouter quoi que ce soit d'étranger.

a) Accueil

La monition d'accueil du célébrant devait donner le ton : « Lorsque nous venons célébrer l'Eucharistie, nous avons d'abord besoin de nous constituer en assemblée ; en peuple de Dieu. Aujourd'hui, tout particulièrement, nous avons besoin de nous accueillir et d'accueillir surtout ces jeunes, leur dire que nous leur faisons confiance parce que le Seigneur qui vit en eux et qu'ils reçoivent aujourd'hui leur fait confiance. Nous leur demandons d'abord de se présenter eux-mêmes. »

Les échanges de toute l'année avaient permis de mieux se connaître individuellement et collectivement, la retraite leur avait permis de reconnaître une part du projet de Dieu sur eux, de découvrir l'appel qu'il a inscrit au plus profond de leur vie. Les enfants pouvaient donc se présenter dans leurs aspirations.

En voici quelques expressions :

— « Nous grandissons et ne voulons plus être traités comme des « bébés »,

— « Nous avons besoin de nous retrouver avec nos amis, entre nous, pour nous organiser, nous confier, discuter ensemble. Nous voulons montrer que nous sommes capables de faire quelque chose ensemble, de prendre des initiatives »...

Les adultes allaient-ils pouvoir reconnaître dans ces aspirations un appel du Seigneur ? Allaient-ils par leur attitude signifier aux jeunes toute la confiance que le Seigneur leur porte ? Deux jeunes adultes prirent sur eux de sortir de l'assemblée et de les accueillir en ces termes au nom de la communauté :

« Ne plus être traité en enfant, dites-vous !

Vous avez raison de vouloir être respectés et d'être pris au sérieux. Le monde des adultes a besoin de vous, il a besoin de vos interpellations pour ne pas se scléroser ! Même si cela doit se réaliser dans la tension, sachez que ce n'est pas contre l'Amour que vous agissez mais pour l'Amour.

Lorsque vous vous organisez ensemble

dans vos loisirs
dans votre travail scolaire
dans votre quartier

n'est-ce pas. pour réagir contre l'isolement et permettre à tous de mieux se détendre, de réussir leur avenir, d'être plus épanouis et de devenir ainsi de plus en plus des fils de Dieu ?

Vous avez compris que l'appel de Dieu à participer à la réalisation de son plan d'Amour sur le monde s'adresse à vous à travers chaque événement, chaque personne, dans le quotidien de votre vie.

Et c'est cela que vous exigez également des adultes afin que vous puissiez, vous aussi, les prendre au sérieux.

Vous avez raison car la responsabilité du bonheur de tous les hommes repose d'abord dans la main des adultes.

C'est pourquoi le meilleur accueil que nous puissions vous réserver est de vous faire confiance dans vos actions et de nous engager nous-mêmes au service de nos frères. Comme vous, seuls nous n'y arriverons pas. Nous nous engageons collectivement dans des organisations qui ont vocation de lutter pour faire respecter les aspirations de tous les hommes. »

— 2e expression d'accueil : « En réponse à ces aspirations exprimées aussi clairement, notre rôle d'adulte est de permettre qu'elles se concrétisent dans le quotidien de votre vie. Nous ne voulons plus vous enseigner, mais être les témoins de ce que vous vivez. Cet accueil ainsi défini nous interpelle personnellement et collectivement sur notre façon de vivre. Serons-nous les riches qui possèdent et qui donnent ou serons-nous les pénitents émerveillés qui sauront reconnaître la puissance de l'Esprit à l'œuvre dans toutes les dimensions, dans toute l'épaisseur de votre vie ? Saurons-nous vous accueillir dans toute votre originalité, votre diversité, dans le respect et la reconnaissance de vos liens propres avec vos relations dans les différents domaines de votre vie ?

Oui, nous sommes témoins de vos vies, de vos aspirations, mais ne le sommes-nous pas tout aussi réciproquement adulte et jeune ; s'accueillir c'est s'aimer. S'accueillir c'est aussi savoir respecter nos différences ? Parce (qu'unis à ce niveau, nous formons une communauté, et une seule, et pouvons donc en toute vérité célébrer ensemble l'Eucharistie ».

b) Démarche pénitentielle

Celle-ci est exprimée tantôt par un jeune, tantôt par un adulte :

— « parce que nous jeunes avons l'esprit parfois trop critique, parce que nous prenons position sans nuance... »

— « parce que nous adultes ne transmettons pas à ces jeunes la confiance et le regard d'amour que tu leur portes... »

c) Parole de Dieu

On lit les lectures prévues pour la fête.

d) Profession de foi

Celle-ci est exprimée d'après le schéma habituel du Credo, mais de façon plus « existentielle » :

— ... Aujourd'hui encore il est vivant ; il vit dans le cœur de tous nos frères... »

— c'est Lui qui nous transforme, nous aime et nous prend par la main ».

e) Action de grâces (Eucharistie)

Quand on sent que quelqu'un vous fait confiance, on en est heureux, on l'exprime et on prend les moyens pour continuer à vivre dans le bonheur issu de cette confiance. Voici ce que cela donne lorsque des adolescents l'expriment sur des billets préparés chez eux après la retraite :

— « Je vais essayer de trouver le Christ qui m'interpelle à travers ma famille, les voisins, les amis, dans la vie de tous les jours, en classe, dans les loisirs. Les aider à Le trouver ».

— « Il faut surtout se retrouver entre jeunes afin de pouvoir discuter sur ce que Dieu attend de nous et afin d'essayer de trouver Dieu ensemble ».

— « Pendant les trois jours de retraite, nous étions tous ensemble, nous vivions côte à côte et nous avons peut-être tous découvert ensemble au fond de nous-mêmes la présence du Christ ressuscité que nous n'avons peut-être pas remarquée auparavant, et une petite étincelle nous a fait remarquer sans doute à tous la présence de Dieu. Nous en sommes donc tous témoins ».

— « J'aimerais découvrir le Christ à travers d'autres gens que ceux qui faisaient leur retraite et j'aimerais aussi essayer de réagir avec d'autres et ensemble aux différents problèmes de la vie ».

— « J'ai été très heureuse de cette retraite et d'avoir rencontré le Christ et je crois bien que c'est la première fois que j'ai pu le rencontrer si profondément ».

Information sur la communauté des jeunes

La cérémonie eut lieu le jour de l'Ascension. Les jeudis suivants jusque fin juin les jeunes revinrent pour s'informer chaque fois auprès d'un autre responsable de la Communauté sur ce qu'on leur proposait pour soutenir leur foi (responsables J.O.C./F. - J.I.C./F. - Pionniers - Caravelles - Différents Clubs).

A la fin de cette période, un comité de jeunes communiants se réunit pour préparer une sortie de reprise en octobre avec les aînés.

Suite

Grâce à cette préparation à la communion solennelle, tous les jeunes ont plus ou moins réfléchi à leur vie et à leur foi et non pas à l'un et à l'autre séparément. Un grand nombre a exprimé une double conviction, celle d'une part qu'on ne rencontre le Christ qu'à travers le concret de la vie quotidienne et en particulier à travers ses frères, et celle d'autre part que toute action doit se réaliser ensemble. Suite à ces convictions, il n'y eut plus qu'un pas à franchir pour que les jeunes choisissent des mouvements et forment des équipes de J.O.C./F. - J.I.C./F, participent aux pionniers et caravelles... à partir de ces critères.

Réactions et réflexion

Cette façon de faire ne pouvait pas ne pas susciter des réactions. Et ce seul fait fut positif. On en profita pour confronter les différentes opinions dans une réunion rassemblant une trentaine de personnes. Cela permit d'échanger sur l'éducation en général, sur l'éducation à la foi en particulier, sur la nécessité de s'appuyer sur les aspirations des jeunes et aussi sur la liturgie, le sens du sacré, l'Eucharistie.

Perspectives

Nous n'avons fait que relater une expérience s'inscrivant dans une pastorale d'ensemble des enfants, des jeunes et des adultes. Cette expérience est limitée par les données de départ. Il aurait été intéressant de tenir davantage compte des milieux pour les carrefours de préparation d'autant plus que vient de sortir une plaquette élaborée par la J.I.C. et l'A.C.E. (14-15 ans).

Il aurait été intéressant aussi de travailler dans une collaboration plus suivie avec l'A.C.E. au niveau des prêtres et des responsables. Enfin, on verrait très bien que ce « temps fort » de la vie du jeune au moment de son passage dans l'adolescence soit consacré par le sacrement de la confirmation.

Père A. Démange
Abbé F. Seilly

REFLEXIONS DES SERVICES DIOCESAINS

Service diocésain de pastorale liturgique

Dans son ensemble, ce dossier révèle un souci profond d'aider les jeunes à prendre eux-mêmes en main leur démarche de la profession de foi. Deux remarques s'imposent de la part de la pastorale liturgique, l'une concernant la signification du sacrement, l'autre la célébration elle-même.

L'Église au service de la vie : titre très séduisant, très « missionnaire ». Que vient faire le sacrement ? Est-ce sanctionner et sacraliser une étape importante de la vie : entrée dans l'adolescence ? Est-ce recevoir une aide spéciale au moment d'une crise de croissance pour mener à bonne fin toutes les possibilités encore cachées dans un être humain ? A s'y tromper, le dossier semble le suggérer et souhaite même positivement une intervention sacramentelle pour ces moments-là. Dieu, d'ailleurs comme les adultes, parents compris, doit-il simplement reconnaître ce qui est nouveau et important à telle ou telle étape et aider à vivre ou à survivre ?

Ces questions rejoignent la recherche actuellement entreprise par l'Église en France sous le titre « Évangélisation et sacrement ». Ils sont nombreux les prêtres, les catéchistes, les parents qui ne veulent pas séparer la foi de la vie et faire du sacrement quelque chose de « plaqué » sur l'existence. « Pour bien des chrétiens aujourd'hui, le sacrement ne trouve toute sa signification que s'il rejoint l'existence concrète de l'homme, l'événement qu'il vit, l'aspiration profonde qui l'anime » (rapport de Mgr Coffy). Mais ce souci ne doit pas faire oublier que le salut est un don de Dieu. Dieu a un projet de salut, et ce projet dépasse toujours nos seules possibilités. Dieu aide, mais aussi il juge, il provoque, il interpelle, il convertit. Ce n'est pas en nous scrutant, en admirant notre nombril (!), que ce que nous faisons est nécessairement bien. En outre, il est un peu gênant de donner aux jeunes l'impression d'être au centre du monde.

La célébration, à première vue, paraît lourde, mais il faut l'avoir vécue pour situer les différentes interventions dans un ensemble. Trop de paroles nuisent au climat de fête. Cependant, quelle meilleure manière de relier la vie à la célébration, la retraite préparatoire à la profession elle-même, que ces moments où les jeunes et les adultes peuvent s'exprimer : accueil, préparation pénitentielle... L'action de grâce peut se dire avant la préface, mais semble ici plus à sa place après la communion sous la forme de la louange : « Nous te louons, Seigneur, parce que tu nous as permis de..., parce que nous avons pu..., parce que nous voulons...» C'est à retenir, à condition toutefois de ne pas transformer la messe en un meeting et de ménager des moments de silence, d'accueil de la parole de Dieu, de prière universelle qui ouvre vraiment cette assemblée sur un horizon plus large.

J.-P. Zimmermann

Action catholique de l'enfance

Il est toujours très incommode d'apprécier une expérience à partir d'un compte rendu de quelques pages, expérience qui s'est étendue sur plusieurs mois et qui a été sans doute extrêmement riche pour ceux qui l'ont vécue.

Mon propos est d'exprimer ici certaines réflexions et certaines questions face à cette expérience de la paroisse du Sacré-Cœur de Mulhouse, sans prétendre pour autant y enfermer d'une manière absolue toutes les exigences « nécessaires et suffisantes » pour une éducation de la foi des préadolescents.

Comment rejoindre ces jeunes au cœur de leur vie où nous croyons que se joue leur adhésion à Jésus-Christ ? C'est là, je crois, la préoccupation première des deux prêtres qui ont rédigé le compte rendu ci-dessus. A les lire on sent qu'ils ont essayé de répondre à certaines exigences :

— Respecter les préadolescents dans ce qu'ils sont et tels qu'ils sont personnellement, en relation avec d'autres, marqués par les conditions de vie de leur famille, par la culture des groupes humains au sein desquels ils vivent.

— Leur permettre d'agir en se regroupant, en s'organisant eux-mêmes pour les échanges et les discussions, en leur demandant ce qu'ils attendent de la retraite.

— Leur permettre de découvrir Jésus-Christ dans leur vie et dans celle des autres et d'apprendre au sein de leur équipe à mieux vivre du Christ.

Si cette ligne directrice me paraît très positive, la façon dont elle a été vécue n'est pas sans poser quelques questions. Nous assistons aujourd'hui à des regroupements de préadolescents dans les cités, les transports, les loisirs. Nous découvrons de plus en plus que les hommes, quelles que soient les conditions d'atomisation de la société moderne, restent profondément liés les uns aux autres. Le moyen par excellence d'évangéliser quelqu'un est de le resituer dans son réseau de relations, non pas artificiellement, mais à la manière dont lui-même a conscience d'être engagé. Une des communiantes l'a exprimé en disant : « Ce que j'ai retenu, c'est qu'on ne peut pas vivre toute seule. Il faut avoir des amis pour nous aider à avoir la foi et pour que notre vie ait un sens. » Pourtant, je tiens à souligner que pour éduquer la foi d'un préadolescent aujourd'hui, il faut rejoindre le point culminant de sa vie : sa conscience. Il n'y a pas moyen de l'évangéliser sans partir de ce qu'il sent et de ce qu'il vit, de ce dont il a profondément conscience lui-même. Comment cela a-t-il pu se réaliser si le prêtre était seul témoin, alors qu'il ne participait aux échanges des équipes que par l'écho des « rapporteurs », une fois sur deux réunions ? Effectivement un point faible de cette expérience me semble être l'absence de jeunes ou d'adultes au sein de ces équipes tout au long de l'année. Le prêtre ne me paraît pas être le « témoin privilégié » de la vie des préadolescents aujourd'hui. Les parents, les responsables, les catéchistes, les autres éducateurs et certains jeunes ne sont-ils pas aussi les témoins de cette vie et de l'Esprit qui anime cette vie ? Des jeunes ont participé à la retraite. N'auraient-ils pas pu vivre avec ces équipes toutes les transformations pendant la préparation ? Fallait-il attendre la retraite pour leur permettre de découvrir Jésus-Christ, source de leur propre projet ? Une présence de jeunes ou d'adultes n'aurait-elle pas favorisé une révélation encore plus fidèle à la vie, parce que fidèle à l'événement, révélation trouvant son aboutissement dans les célébrations ?

Il me semble important également de noter l'éducation des parents au vrai sens de la communion solennelle et la prise de conscience de certains d'entre eux qui se sont trouvés interpellés dans leur propre vie.

Au cours de la cérémonie elle-même, des adultes représentant la communauté ont accueilli les communiants et les ont rejoints dans leur démarche pénitentielle. N'est-ce pas là déjà un signe de l'Église-Communauté où les préadolescents voient des chrétiens jeunes et adultes témoigner de leur foi, c'est-à-dire dévoiler par la parole et par l'action le sens de leur vie.

La communion solennelle n'est pas un aboutissement, mais une étape. C'est très net dans cette expérience. Les réactions de certains préadolescents prouvent qu'ils veulent continuer à découvrir la présence du Christ dans leur vie et dans celle des autres: « Je vais essayer de trouver le Christ qui m'interpelle à travers ma famille, les voisins, les amis, dans la vie de tous les jours, en classe, dans les loisirs. Les aider à Le trouver ». D'autre part il semble qu'un certain nombre d'entre eux se soient engagés dans des Mouvements de jeunes.

Ce qui mérite d'être relevé pour conclure, c'est que le clergé du Sacré-Cœur ne se donne pas bonne conscience en ayant préparé des enfants à la communion solennelle, mais qu'il porte aussi le souci de leur éducation de la foi dans l'avenir.

J. Burel

 
     
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Assises de la Confirmation - Eglise catholique d'Alsace