ANNEE-CONFIRMATION

Réflexions à mi-chemin

 
 

L'Eglise en Alsace n° 4 - Avril 1993

Le moment n'est pas venu pour permettre une vue d'ensemble sur ce que «produit» l’année-confirmation.

Les récentes réunions de Messieurs les Doyens confirment l'impression générale : l'intérêt pour la pastorale de ce Sacrement est réel.

Certains doyennés, ou certaines zones, n'ont pas attendu cette année pour inscrire ce thème à l'ordre du jour d'une journée de réflexion.

Il faut pourtant bien en convenir: quelque chose ne passe pas au mieux quand il s'agit de proposer ou d'expliquer ce sacrement. Souvent la référence au baptême reste très théorique. Les accents préconisés précédemment et successivement dans la catéchèse récente (combat, témoignage, engagement...) tendent à rendre plus incertaines les caractéristiques de la Confirmation.

Les documents choisis et utilisés reflètent souvent le même embarras. On accuse également les théologiens de n'être pas d'accord entre eux... Tout était - sur ce point - plus simple en chrétienté. Après tout, confirmer à 7 ans ou à 17 ans n'aurait pas dû poser de problème majeur. Seulement le rapport Église-monde, et donc chrétiens-monde a changé. Il n'est pas étonnant que le plus souvent la question de l'âge soit la première et la dernière puisqu'elle revient sans cesse et au bout de tous les développements.

La Confirmation porte une lourde hypothèse : pourquoi a-t-on demandé le baptême à celui qui en demande le complément? Il faudra bien vivre avec la situation qui en résulte.

Existe-t-il un âge idéal pour être confirmé ?

A 12 ans, l'enfant se trouve « encore » et plus ou moins dans la mouvance familiale. A 15 ans et au-delà, ce climat est moins déterminant pour les choix du jeune. A 17 ans encore moins : 12 ans, pour certains pasteurs, comblent un vide entre la préparation aux Sacrements du Pardon et de l'Eucharistie et celle de la Profession de Foi... 15-16 ans peuvent exprimer la volonté de retenir aussi longtemps que possible le jeune dans la zone d'influence de l'Église. Aller encore au-delà, 17-19 ans, peut s'inspirer des meilleures intentions. Il existe pourtant là aussi un piège: celui de se substituer à l'Esprit qui produit les fruits là où Il veut et quand Il veut...

Il n'existe pas d'âge idéal en soi qui réaliserait à la fois toutes les dispositions, elles aussi idéales, de l'intériorité, de la capacité d'accueillir le Don de Dieu, de la mûre appropriation de la foi de l'Église, et du sens apostolique et missionnaire.

On regrette souvent que le rôle épiscopal, par la fréquente absence de l'évêque ou la signification tronquée de cette fonction, ne soit pas très bien perçu. Il y a sans doute du vrai dans cette remarque. Inversement, mais ce n'est pas pour renvoyer l'ascenseur... l'évêque a souvent de quoi se sentir frustré quand ses visites pastorales réduisent sa « confirmation » aux discours, à la reconnaissance de ce qui se réalise et qu'elles ne comportent pas sur son parcours au moins une Confirmation sacramentelle importante, expression de son ministère et de son acte fondateur.

Plaidoyer pour une visée existentielle : « Tournés vers l’avenir »

Ces notes font suite aux deux articles parus précédemment et ici-même : « Eglise en Alsace » décembre 1992 et février 1993.

Le premier insistait sur l'indiscutable nécessité d'une communauté de Chrétiens dans l'accompagnement et l'accueil des initiés. Le second, dans les pages 7, 8 et 9 et sous la signature de Monsieur le Professeur Simon Knaebel, soulignait la perspective d'Espérance à laquelle ouvrait le Don de l'Esprit.

L'Avenir - (on nous a interrogé dans l'une des réunions de Doyens sur les points d'insistance des lettres des confirmands à l'évêque) - voici bien un mot-clé autour duquel s'articule implicitement ou explicitement, l'interrogation du jeune ! Si on pouvait, sans panique et sans vouloir jouer aux prophètes de malheur, pédagogiquement nommer ce qui menace l'homme. Il y a été fait allusion en décembre 92 (page 3) aux contraintes qui refoulent, dans nos sociétés, la dimension spirituelle de l'homme. Il faudrait dénoncer tout ce qui aliène en lui sa personne. Dans l'opinion, l'information conditionnée par l'affectivité collective, le goût du scandale, de la violence et du sang versé.

L'irresponsabilisation : les files passant à la caisse faisant confiance aveugle au verdict du ticket de caisse, les foules du spectacle en attente, de l'invitation « Applaudissement, Mesdames et Messieurs !» Mais irresponsabilité massive plus grave si elle s'en remet aux hommes politiques pour donner l'argent et aux scientifiques de tous bords pour mettre au point les remèdes aux fléaux actuels (Sida par exemple) pourvu que l'individu soit quitte de sa responsabilité inaliénable...

A cet égard, la menace du Sida est redoutable, non seulement en raison de sa menace sur la santé, mais parce qu'elle conduit l'opinion à une banalisation sans précédent du rapport sexuel.

Ce dernier constat ne constitue pas une digression - il fait partie du tableau sur lequel vont évoluer les croyants !

L'avenir est là, susceptible de générer une nouvelle et gigantesque forme d'aliénation de l'homme, à la suite de celles que l'Europe a connues en ce siècle. L'Esprit de Pentecôte envoie l'Église en cet avenir.

Une Communauté susceptible d'accueillir les Confirmés pour ce monde doit porter cette marque : « sois marqué de l'Esprit-Saint, le Don de Dieu !» L'Esprit nous précède dans cet avenir, oui, mais pas au point d'éliminer ou de court-circuiter l'Église créée aussi pour cela. De quel dynamisme témoigneront un jour les églises construites ou rénovées actuellement ? De quel esprit profond, nos restructurations actuelles sont-elles animées ? Autant de questions pour un examen de conscience, sans préjuger de l'actif ou de négatif.

« Tu as un nom !»

L'Esprit pourrait être Celui qui garantit à chacun son nom, son originalité, son identité. Dans le monde capable d'engendrer des irresponsables anonymes l'Église commence, dans la célébration de la Confirmation, par appeler le baptisé par son nom. Chacun est appelé, a une vocation, doit être immunisé contre la fusion. Comme le nom du saint qu'il porte peut-être (mais dans quel martyrologe va-t-on puiser !) n'a pas été noyé, anéanti, ni dans le sang de la persécution, ni dans l'indifférence ou dans l'oubli. On est heureux d'avoir à confirmer des Laurent... mais 7 sur 10 d'entre eux ne connaissent même pas les circonstances de son martyre.

Après l'imposition des mains faite sur l'ensemble des confirmands, l'évêque a soin d'ajouter la chrismation individuelle (avec imposition de la main). Il lui rappelle son nom, lui impose la marque : « c'est bien sur lui que reposera l'Esprit de Sagesse et d'Intelligence... de Conseil... de Force...» Il ne vivra pas dans une bulle à l'abri du monde, ni en marge de l'avenir. Or, ce confirmé porte en lui son époque, il en est une partie ! Par lui « l'Esprit plane sur les eaux » d'aujourd'hui et de demain, capable de tuer ou de devenir lieu de naissance. La Confirmation sauve de la Peur !

Les remarques à propos du Nom seraient mal interprétées si elles devaient être comprises comme une proposition d'orientation de la catéchèse et de la compréhension de la Confirmation. Elles voulaient simplement attirer l'attention sur des possibilités assez impressionnantes de trouver dans la Liturgie des voies d'accès à une compréhension accessible de l'existence chrétienne, ecclésiale et personnelle, au sein d'un monde appelé au salut.

A condition de se donner les moyens et le temps pour l'approfondir et l'exprimer - dans la prédication et la catéchèse - dans les mots de tous les jours et du commun des mortels. Cela doit être possible, car la « Connaissance » se veut « Don de Dieu » accessible à ceux qui veulent s'intéresser aux choses du Royaume.

+ Léon Hégelé

 
     
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Assises de la Confirmation - Eglise catholique d'Alsace