La Confirmation : Une initiation suppose une Communauté

 
 

L'Eglise en Alsace n° 12 - Décembre 1992

Le dossier de travail est prêt et disponible chez MM. les Vicaires Episcopaux, ainsi que dans les 3 centres de documentation (Strasbourg-Colmar-Mulhouse). Son tirage est limité car le besoin est difficile à évaluer. Il répond cependant aux besoins immédiats. Nous encourageons sa reproduction, grâce aux moyens techniques disponibles sur le terrain, en fonction du travail poursuivi dans les secteurs entre les prêtres et les Conseils Pastoraux.

Merci pour tout ce qu'il pourra susciter et pour les observations qu'il nous vaudra.

L’"Eglise en Alsace" continuera à nourrir la recherche et la réflexion. L'apport qui suit voudrait s'arrêter à l'un des termes sans lesquels la Confirmation comprise comme Sacrement de l'Initiation manquerait d'une composante essentielle: la Communauté. Parmi les différents types de Communautés possibles nous nous arrêterons ici à la Communauté locale dans son expression habituelle : la Paroisse.

La Communauté chrétienne

Nous entendons bien l'objection classique qui prétend que l'équivalence Paroisse = Communauté est abusive. Certes. Mais nous parlons bien de communauté conjugale, familiale, éducative, nationale, européenne etc. Nous savons bien en relativiser les caractéristiques et les exigences selon chaque cas. La référence au Christ et à l'Évangile ne suffit évidemment pas pour que la Paroisse atteigne la perfection. Quel membre parfait de quelle équipe, de quel Conseil pourrait le lui reprocher ?

Imaginons, pour décrire une communauté paroissiale, plusieurs cercles concentriques. A l'intérieur un noyau. Ceux qui s'y trouvent n'ont pas la prétention d'être les purs. Mais ils partagent entre eux les convictions chrétiennes fondamentales. Ils savent à quoi la Parole du Christ les engage. Ils connaissent et pratiquent la prière et sont "fidèles et assidus à la fraction du pain". Ils se donnent d'ailleurs encore souvent d'autres temps et d'autres lieux pour des rencontres de partage. Ils ont en honneur le jour du Seigneur. Mais ils savent aussi que les 6 autres jours dont le premier est la source et l'aboutissement, est celui du "culte en esprit et en vérité" qui fait d'eux les compagnons de leurs frères en humanité dans le quartier, au travail, en famille. Ils font leur possible pour être témoins de leur foi dans le monde et pour être présents auprès de leurs frères dans leurs besoins. Ils essaient. Ils restent pécheurs.

Nous nous garderons cependant de tracer ce cercle. Il est imaginaire comme l'équateur, qui pourtant correspond à une réalité. On peut y entrer. On peut en sortir. Certains avouent que par la force des choses ils n'ont plus pu soutenir le rythme de la régularité exigeante, à leur regret et pendant un temps, mais ce temps est devenu habitude, impossible d'amorcer un retour. Il y a ceux également qui auraient besoin d'un support humain, sociologique, des amis, d'une "bande" à retrouver avant et après la messe dominicale etc., etc. La situation actuelle leur refuse ces béquilles d'autrefois. A distance, dans un autre cercle, nous trouverions les occasionnels des grandes fêtes. Plus loin encore ceux qui réduisent leur présence à l'église, aux mariages et aux enterrements. Entre ces différents cercles s'établit un rapport, un mouvement de va-et-vient. Enfin il y a ceux qui accepteraient mal de s'entendre dire qu'ils sont exclus de l'Église. Parmi eux des personnes qui vivent dans la droiture exemplaire et pour lesquels la référence à certains préceptes évangéliques reste la règle.

Dans quelle communauté initier ?

Un évêque à Lourdes parlait d'une tentation qui en général consistait à vivre ou à s'orienter à la lumière d'étoiles depuis longtemps éteintes... Le jeune aujourd'hui, dans quelle communauté sera-t-il accueilli ? Plus dans la paroisse de 1950 ! Ce serait rêver. A cette époque et pendant un certain temps ce schéma a continué à fonctionner: on faisait partie d'un noyau, mais qui occupait presque tout le fruit. L'idéal et l'effort consistaient à persévérer ! Or la plupart des confirmands naissent et vivent dans les différents cercles concentriques plus ou moins éloignés du centre. La confiscation démentielle de leur temps pour les impératifs scolaires et autres, leur mobilité, à laquelle fera suite la mobilité professionnelle ajoutent à leur difficulté de trouver racines et insertion dans la Communauté chrétienne.

Il ne faut donc pas nous tromper d'époque.

Cette erreur est-elle étrangère au recul de l'âge aussi élevé que possible de l'âge de la Confirmation, 15-16-19 ans ? Ce n'est pas un constat mais une question. Ce recul pourrait cacher l'intention ou l'effort de "garder", de "maintenir" aussi longtemps que possible les futurs confirmés dans l'aire d'influence de la catéchèse, donc de l'Église... On pouvait parler de persévérance à ceux qui étaient entrés dans la communauté dès l'âge de l'enfance (conséquence du baptême). On ne peut plus parler de persévérance quand ceux que nous préparons à faire un pas, en sont déjà ou encore loin. Ce "déjà" est de trop. Car notre visée doit rester de conduire vers le centre ("Schritte zu Mitte" comme l'exprimait un bon titre dans ces années-là). Si les sociologues nous disent que l'homme actuel sort de l'adolescence seulement après 30 ans, il est clair que beaucoup, sinon la plupart des chrétiens dans un avenir plus ou moins éloigné, sont des chrétiens croyants "possibles", ou "en devenir".

Les "appelés", les "invités"

Dans l'Évangile, ceux-ci sont plus nombreux que les "élus". Entendons-nous: élus pour être investis d'une mission ! et non déjà couronnés pour le règne. Ceux qui sont appelés à former le noyau des communautés doivent savoir accueillir et les uns et les autres. Non sans exigences. Peut-on par exemple célébrer en vérité l'entrée en Église de quelqu'un pour qui l'eucharistie et plus largement la communauté sont sans intérêt ?

Mais cette communauté doit être suffisamment ancrée dans la foi pour pouvoir accueillir ceux que le Seigneur appelle et invite, qui le suivent pour le moment, qui s'engagent à le suivre demain sans que l'avenir ne garantisse le respect de leur sincérité. Ils ne doivent pas se laisser décourager par la proportion éventuelle de ceux qui manqueront dès les dimanches qui suivront la Confirmation. Elle aura accueilli dans ses compartiments ces voyageurs qui, pour un certain nombre d'entre eux, quitteront le train à l'une des prochaines gares... Ils sauront que ce train n'est pas le dernier. Viendra celui du mariage, du baptême de leurs enfants, et d'événements et de rencontres imprévisibles. Une communauté digne de ce nom saura-t-elle inventer également des rythmes possibles pour des familles de bonne volonté, des fêtes, des événements ?

Il n'y a à cela rien qui puisse inviter à une résignation minimaliste. Rien, par ailleurs, n'autoriserait un repli frileux des paroisses sur elles-mêmes. Si une Communauté sait être accueillante en général, elle le sera aussi pour les confirmands, comme pour les tout-petits, les enfants, les jeunes etc. L'évolution de ces dernières années nous aura conduits à resserrer les liens, qui n'auraient jamais dû être relâchés, entre la Communion et la Mission. Préparer une Confirmation, se préparer à une Confirmation, pour une paroisse ne peut pas ne pas exprimer son dynamisme missionnaire. La Tradition n'a cessé de considérer la Pentecôte comme l'un des jours de la naissance de l'Église (l'autre étant celui du côté ouvert du nouvel Adam) et évidemment comme l'effusion de l'Esprit distribuant les langues aux Apôtres envoyés à tous les peuples.

Il y a de quoi explorer les possibilités et les voies nécessaires et possibles pour que la perspective d'une Confirmation à préparer et à célébrer devienne l'occasion d'une croissance de l'Église là, dans la Communauté qui la représente.

+ Léon Hégelé
Evêque Auxiliaire de Strasbourg

 
     
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Assises de la Confirmation - Eglise catholique d'Alsace